Intervention interculturelle

 

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L'importante immigration que connaît le Québec, et en particulier Montréal, depuis les dernières décennies amène les intervenantes et les intervenants à adapter leurs pratiques aux nouvelles réalités culturelles. L'intervention se développe à partir de l'expérience sur le terrain. Conséquemment, les intervenantes et les intervenants doivent considérer les situations vécues par les nouvelles arrivantes et les nouveaux arrivants, de même que par les personnes immigrantes, pour comprendre leurs multiples réalités, par exemple les difficultés liées à leur parcours migratoire, à l'adaptation à une nouvelle culture ou aux obstacles de communication. Pour ce faire, la communauté des intervenantes et des intervenants a mis au point des modes d'intervention mieux adaptés aux besoins. Bien qu'il existe une grande diversité d'approches d'intervention interculturelle, des principes de base communs s'en dégagent.
 

Reconnaître la présence de deux cultures

L'approche interculturelle implique que les intervenantes et les intervenants reconnaissent l'interaction de deux identités culturelles lors de l'intervention, soit la leur et celle de la victime. Cette approche les amène ainsi à se percevoir comme porteurs d'une culture. Cette dernière comporte des valeurs souvent intégrées inconsciemment et qui agissent comme filtres dans la relation d'aide. L'intervenante et l'intervenant doivent donc être capables de se décentrer, c'est-à-dire de se montrer sensibles au cadre de référence culturel de l'autre.
 

Reconnaître les inégalités par rapport aux violences sexuelles

Dans les cas de violence sexuelle, il importe d'avoir conscience des différences et des inégalités existantes entre les personnes victimes. Par exemple, certains groupes de femmes et d'enfants courent plus de risques d'être victimes de violence sexuelle.

Les préjugés discriminatoires, le racisme et le sexisme justifient les actes de certains agresseurs qui s'en prennent à des personnes parce qu'elles sont autochtones, noires, immigrantes, réfugiées, lesbiennes, âgées ou encore parce qu'elles vivent avec un handicap ou une déficience. Ces actes de pouvoir se basent sur des arguments racistes, discriminatoires, sexistes et hétérosexistes. L'intersectionnalité des discriminations doit être reconnue et connue des intervenantes et intervenants pour mieux répondre aux besoins et aux réalités de ces femmes et enfants.

Pour contribuer à l'élimination des agressions sexuelles, les services des différents organismes et milieux doivent prendre en compte les différences et les difficultés vécues par les femmes et les enfants davantage discriminés.
 

Acquérir des connaissances au préalable

La relation d'aide en contexte interculturel requiert la maîtrise de certaines données en matière d'immigration et la connaissance de caractéristiques spécifiques à certains groupes, par exemple les personnes qui revendiquent le statut de réfugiées et les personnes parrainées. Dans certains cas, il s'avère donc indispensable de connaître les lois et les politiques d'immigration, les statuts et les catégories d'immigration, les ressources disponibles, de même que les différentes étapes reliées au processus d'adaptation et d'intégration. Ces connaissances permettent à l'intervenante et à l'intervenant d'informer correctement la nouvelle arrivante et le nouvel arrivant qui éprouvent, dans bien des cas, beaucoup de difficultés à s'y retrouver.

Il est vrai qu'il est impossible de connaître toutes les cultures ainsi que toutes les valeurs qui s'y rattachent. Cependant, il importe d'explorer ces aspects avec la personne victime.
 

Accepter des modes différents de communication

Un des enjeux de l'intervention auprès des personnes de diverses origines se trouve dans la capacité à s'ouvrir à d'autres dimensions telles que de comprendre les différents modes de communication. Par exemple, accomplir des gestes non verbaux ou des mouvements du corps et regarder une personne dans les yeux sont des modes de communication interprétés selon nos propres repères culturels.

Certaines personnes éprouvent de la difficulté à parler d'elles-mêmes ou à regarder dans les yeux. Des femmes ne communiquent que par l'intermédiaire de leur conjoint. D'autres parlent au «nous» plutôt qu'au «je» parce que leur culture d'origine est collective. Tandis que d'autres femmes, victimes d'agression sexuelle, se présentent à l'organisme accompagnées de leur mère, de leur tante ou de leur sœur, car les liens familiaux sont tissés serré et le soutien familial leur est particulièrement important dans ces moments difficiles et éprouvants.

Bref, il importe de développer des stratégies de communication favorisant une relation de confiance. Il faut également accepter de prendre parfois plus de temps pour établir cette relation de confiance.
 

Porter une attention au vécu antérieur à la migration et au parcours migratoire

Lorsque la situation s'y prête, l'intervenante ou l'intervenant prend le temps de questionner la nouvelle arrivante ou le nouvel arrivant sur son mode de vie, sur son réseau social et familial et sur ses valeurs. Les réponses à ces questions permettent de mieux comprendre l'ampleur des changements vécus par la victime et ses difficultés d'adaptation, s'il y a lieu.

En contexte interculturel et d'intervention en violence, les intervenantes et intervenants se trouvent confrontés à des besoins de toutes sortes. Les personnes issues de l'immigration font face à des deuils, comme le fait d'avoir laissé derrière elles leurs biens, leur famille, leur pays. Bien souvent, ces personnes ont dû émigrer à cause de contextes très différents, comme la guerre, la situation économique, une persécution politique, un statut précaire, ou en raison de leur orientation sexuelle.

Les contextes de départ et d'arrivée (études, travail, refuge ou demande d'asile) varient et influencent grandement la manière dont la personne accède aux services (services de santé ou de garde, permis de travail, etc.). La diversité des expériences de travail et des niveaux académiques, de même que les différences de maîtrise de la langue française ou anglaise, influencent grandement la compréhension des services et la capacité de s'adapter au pays d'accueil.
 

Évaluer la situation présente tout en reconnaissant les difficultés reliées à la migration

Les intervenantes et intervenants doivent être en mesure d'évaluer les conditions de vie de la personne victime: a-t-elle un logement? Un travail? Vit-elle seule ou en famille? A-t-elle des préjugés sur la société d'accueil? Quelles sont ses attentes, ses inquiétudes?
 

Dans la mesure du possible, répondre rapidement aux besoins d'information et aux demandes matérielles

Compte tenu de ses connaissances de la société d'accueil, la personne qui intervient est la mieux placée pour fournir de l'information non seulement sur les lois, les droits, les responsabilités et les ressources, mais aussi sur les valeurs prédominantes de la société québécoise. Elle doit également, dans la mesure du possible, accéder aux demandes matérielles qui, dans bien des cas, relèvent de besoins essentiels. Répondre à ce type de demandes permet souvent d'établir une relation de confiance.
 

Faire preuve d'ouverture par rapport à la culture de l'autre et accepter les remises en question

Des connaissances générales sur certaines cultures peuvent être utiles, à condition de les utiliser avec réserve puisque de nombreux facteurs influencent les façons d'agir et de penser d'un individu. Ainsi, le milieu (rural ou urbain), le niveau de scolarité, le type d'emploi occupé dans le pays d'origine et le revenu gagné sont autant d'éléments ayant des effets sur l'acquisition des valeurs et les comportements de la personne.

Dans un contexte d'ouverture, de partage et de respect, l'intervenante ou l'intervenant peut se permettre d'interroger la nouvelle arrivante ou le nouvel arrivant à propos de ses coutumes, de ses valeurs et de ses croyances.

Certes, l'intervention auprès des personnes racisées nécessite de faire des apprentissages impliquant la découverte de l'autre. La capacité de l'intervenant ou de l'intervenante à se remettre en question apparaît d'autant plus importante. Une réflexion et une prise de conscience individuelles s'imposent. En matière d'immigration, il faut aller plus loin qu'une simple volonté «d'ouverture d'esprit et d'attitude positive».

Cette réflexion personnelle doit inclure la reconnaissance de ses propres privilèges en tant qu'individu, en tant que membre de différents groupes sociaux, ainsi qu'en tant que membre de la société d'origine. Ces privilèges doivent être mis en relation avec la situation que vivent les personnes davantage discriminées auprès de qui on intervient. Il faut donc démontrer une ouverture à remettre en question ses valeurs et ses pratiques.

Ceci implique de questionner les approches utilisées lors de l'intervention. Sont-elles pertinentes pour les femmes et les enfants davantage discriminés? Tiennent-elles compte de leurs réalités et des obstacles rencontrés?
 

Faire preuve de souplesse et de créativité dans la recherche de solutions

Tout au long de son intervention, l'intervenante ou l'intervenant doit prendre soin d'envisager des pistes de solutions, en collaboration avec la personne aidée, tout en évitant de tenir pour acquis un seul type de solution.
 

Des exemples concrets

Dans plusieurs coins du monde, il est tabou de parler d'agression sexuelle. Dès lors, partager ses émotions avec des personnes étrangères peut s'avérer éprouvant pour certaines femmes qui rencontrent des difficultés à utiliser des mots pour décrire des gestes sexuels.

Aussi, la compréhension de la maladie mentale ou son acceptation diffère beaucoup d'une victime à l'autre de même que le recours à des thérapies. Plusieurs personnes immigrantes manifestent des réticences lorsqu'il s'agit de consulter des psychologues ou des thérapeutes. Nos sociétés occidentales peuvent aussi confondre diverses croyances avec des maladies mentales. Par exemple, des bouddhistes croient à l'existence de fantômes et nos médecins peuvent confondre cette croyance avec des problèmes de santé mentale.

L'impression d'avoir le droit de circuler librement peut varier beaucoup chez les personnes en processus d'immigration. Il ne faut donc pas tenir pour acquis que ces personnes se déplacent en toute liberté. De même, des femmes issues de cultures diverses peuvent entretenir une méfiance envers les autorités, les services policiers et le système judiciaire si le gouvernement de leur pays d'origine était corrompu, si les lois, la police et la société cautionnaient la violence envers les femmes, et si les violences sexuelles étaient banalisées ou normalisées. Le travail de l'intervenante ou de l'intervenant consiste alors à lui expliquer le fonctionnement de la justice dans le pays d'accueil et à lui procurer un accompagnement lors de son parcours dans le système de justice.

Par ailleurs, notre société accorde une grande importance aux droits de l'individu. D'autres pays mettent davantage l'accent sur les droits des groupes ou des collectivités ou sur le bien-être de l'ensemble de la société. En conséquence, les victimes ne se montrent pas toujours intéressées par les approches de thérapie individuelle. Par ailleurs, plusieurs désirent inclure leur communauté ou leur noyau familial dans l'intervention. L'ouverture à ce type d'intervention peut être très bénéfique pour ces victimes.

Différents milieux et organismes ont développé plusieurs types d'intervention. Consultez la section Pour en savoir plus pour y trouver des guides et des livres sur ce sujet.

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